Gilets jaunes – Et si les problèmes étaient plus importants qu’on ne le devine?

Depuis maintenant 4 semaines, la contestation sociale en France a pris une ampleur considérable et il a suffi d’une hausse annoncée sur le prix de l’essence – en vigueur en janvier 2019 – pour qu’un soulèvement généralisé ne voit le jour. Au surplus, le gouvernement a également annoncé une hausse du prix de l’électricité (4 @ 7 %) dès janvier prochain, ce qui a ajouté à la « colère populaire » qui prend une ampleur insoupçonnée.

A telle enseigne que, face à une contestation sans précédent, le Président Emmanuel Macron a annulé les hausses sur les prix/tarifs de l’essence et de l’électricité et espère ainsi endiguer le climat de révolte qui sévit. Mais, à l’évidence, les mesures « cosmétiques » qui seront décrétées ne règleront nullement les problèmes de fond (i.e. les problèmes « structurels ») dans l’économie française.

 

Les doléances exprimées par la population

Ainsi, au-delà de l’augmentation du prix de l’essence (laquelle n’aura été que la « bougie d’allumage » du mouvement de contestation), on retrouve des doléances « multiples » reliées à:

  • la réduction des revenus de pension chez les retraités
  • la perte du pouvoir d’achat chez l’ensemble de la population (hormis les plus hauts revenus)
  • la hausse du prix des aliments devenus hors de prix
  • la réduction des soins de santé dans les hôpitaux
  • la diminution de la sécurité d’emploi liée aux réformes du gouvernement (SNCF, poste, EDF,…)
  • la fermeture des services gouvernementaux en région
  • la fin de la desserte ferroviaire dans les plus petites villes et les villages
  • la classe moyenne qui n’a plus les moyens de se nourrir « minimalement »
  • la classe moyenne qui n’arrive plus à payer ses factures pour les services de base (eau, gaz, électricité,…)
  • la suppression de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à l’avantage des mieux nantis

 

Un niveau de taxation « global » le plus élevé parmi les pays membres de l’OCDE

Dans sa plus récente note financière, John Mauldin traite de la situation de l’économie en Europe et des problèmes « structurels » liés à une politique monétaire favorisant nettement certains pays au détriment d’autres partenaires de la zone Euro.

European Threats – John Mauldin – Mauldin Economics – 2018-12-07

Mais, plus spécifiquement, s’agissant de la situation en France et du mouvement des gilets jaunes, il émet le commentaire suivant quant au clivage existant entre la classe moyenne et l’élite qui assure la gestion de l’état:

Au surplus, il met en évidence une compilation récente menée par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) qui révèle le fait que la France détient le plus haut niveau de taxation (tous services confondus) parmi l’ensemble des pays membres de l’OCDE, avec un niveau de taxation de 46,2% prélevé par l’état pour fournir l’ensemble des services à la population.

 

Ainsi,  après le prélèvement des besoins financiers de l’état qui amène un taux « global » de taxation très élevé (impôts à la source, taxes de diverses natures,…), les « revenus nets » disponibles pour les individus et ménages ne sont plus suffisants pour répondre aux besoins de tous les jours. Alors que, malgré ce taux élevé de taxation, les services à la population ne cessent de diminuer, comme en font foi les doléances exprimées par les gilets jaunes.

Une liste exaustive sur les niveaux de taxation en vigueur dans l’ensemble des pays membres de l’OCDE est disponible sur le lien suivant:

Ratios Impot vs PIB – OCDE

 

L’enfer est pavé de bonnes intentions

Dans sa décision de réduire les gaz à effet de serre (GES) – via une taxe sur le carbone – et d’honorer ses engagemments contractés dans le cadre de la conférence sur l’environnement COP21, le gouvernement français a fait fi de tenir compte du degré généralisé d’appauvrissement de la population en décrétant une mesure visant à procurer un « environnement plus sain » alors que les « besoins de base » ne sont plus adéquatement assurés à la population.

Cet état de fait est illustré par la pyramide de Maslow transposée aux obligations et aspirations qui sont imposées aux dirigeants à la gouverne des états:

Pyramide de Maslow transposée aux obligations/aspirations d’un état envers sa population

 

A l’évidence, imposer une taxation sur le carbone, alors que les besoins de base de la population ne sont plus assurés, s’est avéré être une erreur « stratégique » majeure de la part du gouvernement français.

 

Le budget 2019 en cours d’élaboration

Afin de mesurer l’écart entre la « perception de la réalité » et la « réalité elle-même » au niveau du gouvernement, il importe de faire état du budget déposé en octobre et objet de discussions chez les parlementaires français. Ainsi, le site d’information 20minutes.com énonce les grandes lignes du budget tel que déposé par le gouvernement où, d’entrée de jeu et selon l’analyse de l’Institut des politiques publiques, le budget favorise nettemment les plus hauts revenus.

Le budget 2019 ne profitera-t-il qu’aux plus riches – 20minutes – 2018-10-15

Ainsi, la compiltation établie par l’institut fait état de modestes ajustements (2%) pour les revenus de la classe moyenne chez ceux qui occupent un emploi

alors que les revenus pour les retraités subiraient des baisses de 1 @ 2%:

et alors même que le gouvernement soutenait que le budget – avant la naissance de la contestation des gilets jaunes – était à l’avantage de la classe moyenne…

Ainsi, il y a fot à parier que le budget sera revu « en profondeur » mais, à moins d’une réforme d’importance (meilleure répartition de la richesse, taxation plus élevée chez les mieux nantis, chez les grandes entreprises,…), les mesures ponctuelles qui sront adoptées par le gouvernement ne pourront corriger les problèmes « structurels » majeurs dans les finances publiques.

 

La « prospérité » n’est pas reliée à la hausse des revenus ou à la croissance du PIB/habitant

Dans sa note relative au mouvement des gilets jaunes en France, le financier Tim Morgan analyse la situation sous l’angle de la « prospérité de l’individu » comparativement aux analyses basées sur le PIB/habitant ou les « revenus bruts » telles qu’élaborées par les économistes. Dans les faits, le modèle d’analyse basé sur le SEEDS met plutôt en lumière les hausses/baisses des « revenus nets » de la population (ce qui est disponible dans la vie de tous les jours), tenant compte des niveaux de taxation, des services à la population et du niveau d’endettement:

#140- Are yellow jackets the new fashion – Tim Morgan – Surplus Energy Economics

Ainsi, dans son analyse adaptée spécifiquement pour la situation en France, il établit une compilation qui met en évidence l’évolution de la situation, en France, entre 2000 et 2017:

Selon cette compilation, alors que les analyses basées sur le PIB font état d’un accroissement des revenus de 12% entre 2000 et 2017 pour chaque individu/ménage, malgré une dette ayant connu une croissance de 69,2% contractée afin de soutenir l’emploi et le développement économique, Tim Morgan établit que le niveau de prospérité (i.e. le « revenu net » disponible pour un individu/ménage) a plutôt connu une chute de 7,1% durant les 17 dernières années. Voilà qui explique plus « adéquatement » le mouvement de colère généralisé au sein de la population.

A l’évidence, la France – tout comme l’ensemble des pays membres de l’OCDE – a vu le « revenu net » de sa population diminuer fortement durant cette période et il appert que les « changements cosmétiques » qui seront mis en vigueur par le gouvernement, même s’ils contribuent à ramener la paix sociale, ne seront pas de nature à résoudre les problèmes structurels majeurs prévalant en France.