Guerre commerciale Etats-Unis-Chine: la peur de «l’ombre jaune»?

Le président Donald Trump a mis en marche des procédures – tarifs à l’importation, refus de céder des entreprises technologiques,… -, notamment à l’égard de la Chine, afin de rééquilibrer les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et ses partenaires commerciaux, dans un premier temps, de façon à protéger des emplois aux Etats-Unis. Malgré le fait que, dans plusieurs cas, le produit fini exporté par la Chine aux Etats-Unis comporte nombre de composantes fabriquées en Corée du Sud, au Japon et… même aux Etats-Unis.

Tarifs sur les importations d’acier et d’aluminium – Les contre-mesures se mettent en place

Et, plus récemment, la vindicte s’est portée sur le refus de céder des entreprises ayant des technologies «sensibles» afin que celles-ci ne soient pas utilisées, par la Chine, à des fins stratégiques contraires aux intérêts américains. Ce fut le cas pour la firme Qualcomm dont l’acquéreur «potentiel» était soupçonné de liens d’affaires avec des intérêts chinois.

Les mesures restrictives à l’égard de la Chine s’accentuent : Le président Donald Trump bloque la vente de Qualcomm à la firme singaporienne Broadcom

Puis, les plus récentes mesures entendent mettre fin aux pratiques visant à s’approprier des technologies occidentales sans respecter la propriété intellectuelle (i.e. les brevets) à laquelle la Chine est censée se conformer depuis son accession à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. Car, il faut bien le reconnaître, l’admission de la Chine au sein de l’OMC relevait d’un calcul stratégique et géopolitique: d’une part en faire un allié des pays occidentaux en lui permettant de développer son économie et, d’autre part, mettre en place les conditions afin que surgisse une forme de démocratie «à l’occidental».

Une réalité aujourd’hui bien contraire aux objectifs fixés initialement par les Américains et les Européens pour entériner l’admission de la Chine au sein de l’OMC.

L’omniprésence de «l’ombre jaune»

Pour tous les amateurs de romans épiques, plusieurs se souviendront des exploits du célèbre aventurier Bob Morane, défenseur de la veuve et de l’orphelin, lequel était constamment pris à partie par «l’ombre jaune», cette «organisation nébuleuse» qui menaçait nos sociétés démocratiques et nos valeurs libérales:

Puis, cette menace «jaune» atteignait son paroxysme dans les années 1960 par une prolifération de bandes dessinées et de romans populaires destinés à nous faire craindre cet ennemi de nos démocraties et de notre système économique

Il semblerait qu’en 2018, les peurs ancestrales du «péril jaune» soient revenues à la surface.

Et les Européens se mettent de la partie

Plus récemment, les Européens ont, à leur tour, pris conscience de la présence de plus en plus marquée des intérêts chinois dans les entreprises, les infrastructures et l’immobilier européen au point où tant l’Allemagne que la France entendent restreindre les investissements futurs des capitaux chinois dans le continent européen.

A cet effet, les analystes de Bloomberg ont établi une compilation fort exhaustive des investissements chinois, en Europe, depuis les 10 dernières années, analyse compilée dans la synthèse suivante:

How China Is Buying Its Way Into Europe – Bloomberg – 2018-04-23

Pays où se sont concentrés les investissements chinois en Europe depuis 2008 et les pays qui entendent

mettre en place des mesures visant à restreindre l’investissement étranger sur leurs territoires

 

Ainsi, selon cette compilation, les investissements des entreprises – privées et celles rattachées au gouvernement chinois – auraient totalisé 318 G$ (318 milliards de dollars) durant cette période, avec des investissements de près de 100 G$ durant la seule année 2016, investissements principalement consentis en Angleterre tel que démontré dans les tableaux ci-haut.

Un nécessaire réalignement  pour la Chine?

A l’évidence, depuis son entrée au sein de l’OMC, la Chine a grandement bénéficié de l’ouverture des marchés extérieurs afin de développer son économie et en faire bénéficier sa population. Mais, force est de constater que, à moins d’un réalignement majeur des pratiques commerciales de la Chine à l’égard des pays de l’OCDE et, notamment, le respect de la propriété intellectuelle, tant les Américains que les Européens vont mettre en place, d’ici peu, des mesures autrement plus contraignantes que celles mises en place par les Américains depuis la venue en poste du président Donald Trump.